Soumen Bhowmick, l'art d'exorciser la peur et la mort
Les travaux de Soumen Bhowmick disponibles à Trace-Ecart sont fortement marqués par l’expérience indienne du Covid. On ne peut probablement pas mettre des images sur le récit glaçant de Soumen, qui raconte les corps qui s’amoncèlent sur les trottoirs de son quartier en attendant que les services municipaux viennent les récupérer pour les incinérer. Malgré tout, dans Prototype de la peur, on ressent l’angoisse d’une population enfermée chez elle devant la pandémie qui s’étend et la mort qui rode.
Dans sa narration, Soumen y met pourtant aussi de petite touche d’humour, comme des corps posés sur des chappattis ou des papillons qui viennent titiller les narines d’un personnage. Pour lui, dessiner, c’est exorciser la peur. C’est avec cette énergie vitale qu’il fait parler les morts, qu’il les faits rire ou jouer avec les oiseaux ou les papillons.
Sa démarche s’apparente à celle des danses macabres du Moyen Age, qui se nourrit des inquiétudes des temps en y répondant par la force de l’imaginaire. La critique sociale, voire politique, fait également partie de l’univers de Soumen, avec des libertés individuelles et créatives qui s’étiolent en Inde face à un régime politique qui se durcit. Dans le même ordre d’idée, par ces représentations qui mêlent morts et vivants, les danses macabres de Soumen soulignent la prétention des hiérarchies sociales, dont se moque le destin. C'est une leçon morale adressée aux vivants afin de réfléchir à notre condition : elle console les plus pauvres et apprend aux plus grands que personne n'est au-dessus des lois.
On peut y voir aussi le talent d’un vrai cartooniste, dessinateur acerbe de l’ordre social, on y sent également une touche d’Otto Dix, de Goya, de Bosch et bien d’autres, comme le souligne l’artiste Colin Moore. Mais Soumen trace sa propre voie, avec la passion d’un artiste engagé, révolté parfois devant les horreurs du monde et son pas et qui apaise et exorcise ses colères par le dessin.